Nous avons reçu récemment une très belle série d'Estampes Japonaises, tout à fait particulières, en format d'éventail, qui illustrent des scènes de la vie quotidienne à l'image des peintures de l'époque Heian qui furent leur modèle. Elles illustrent le Sutra du Lotus.
Le sutra du lotus est à l'origine un texte fondamental du bouddhisme traditionnel, provenant d'Inde et adopté au Japon au VIIe siècle. Il est divisé en vingt-huit chapitres, formant les thèmes essentiels de la doctrine bouddhique du "Grand véhicule" (terme qui s’oppose au bouddhisme primitif dit du « Petit Véhicule ») et qui, en simplifiant, propose à toutes personnes, même laïques, un chemin vers "l'éveil". Ce texte connut très vite un très grand succès et suscita de nombreuses mises en image.
La représentation du Sutra dans l'Art Japonais va très vite s'éloigner du texte original pour dépeindre plutôt le quotidien de la vie aristocratique.
C'est à l'époque Heian (794-1185), reconnue pour son raffinement artistique, que se développe une riche iconographie autour du Sutra du Lotus. Commandées par des aristocrates qui veulent se référer à ce texte fondamental, des oeuvres peintes sur des papiers luxueux parsemés de poudre d'or et d'argent voient le jour. Un ensemble de ces Sutras réunis en livret daté du XIIe siècle, est un Trésor National conservé au Temple Shitennôji d’Osaka et au Musée National de Tokyo.
Sous forme d'éventail et mêlant un langage profane et religieux, chaque image représente un moment du quotidien, tout particulièrement de la vie des aristocrates, avec le texte sutra calligraphié en superposition. L'idée est sans doute d'affirmer la pénétration des doctrines du Sutra du Lotus au cœur même des modes de pensées de l’aristocratie. On peut lire à ce propos dans l'ouvrage Paravents japonais, par la brèche des nuages, sous la direction d'Anne-marie Christin, édité par Citadelles et Mazenod :
"La relation entre le texte du sutra et les images a fait l'objet de recherches approfondies sans que l'on ait pu aboutir à des conclusions certaines. On peut voir dans les illustrations, la figuration de 'l'impermanence" des choses de ce monde, leçon fondamentale que véhicule l'enseignement du bouddhisme. Les signes sacrés du sutra qui parcourent ces évocations paisibles d'un monde éphémère semblent les sanctifier et être gages de renaissance dans la terre pure (le paradis bouddhique). Ils sont aussi gages de la vie sereine que décrivent les peintures. On peut encore y voir l'offrandes des images les plus belles qui soient. "
La figuration formelle est très proche de celle utilisée pour illustrer le Dit du genji.
La série que nous présentons est une nouvelle édition publiée par le grand éditeur d'Estampes Japonaises Oedo Mokuhansha dans les années 1960. La série reprend l'oeuvre illustrée des Sutra du Lotus, à l'exception des calligraphies des sutra qui étaient initialement en superposition sur l'édition du XIIe siècle, pour laisser entièrement la place à l'image de la scène de vie. La composition, en forme d'éventail, a été conservée.
Ces Estampes Japonaises magnifiques dépeignent la vie quotidienne des nobles et des gens ordinaires.
Dans cette édition luxueuse, qui utilise de la poudre d'or et de mica ainsi que des carré de feuilles d'or et d'argent, apposés sur l'estampe en "gravure à chaud", technique extrêmement rare qui n'existe qu'au Japon, la série complète est un superbe témoignage de l'art japonais à l'époque Heian.