Qui ne connaît pas l'engouement des Japonais pour les carpes, et bien sûr pour les carpes koï et leurs écailles aux reflets mouchetés et brillants ?
Petit point sur l'histoire des carpes et du Japon.
L'histoire de la belle (Nishikigoi ou poisson coloré) commence avec la Chine et la Corée où elle est née, importée au Japon autour du Ve siècle av JC, elle accompagne l'histoire du pays depuis fort longtemps. Au départ, il s'agit d'une jolie carpe noire que les paysans introduisent et élèvent dans les étangs près des rizières pour diversifier leur alimentation. Un poisson d'eau douce, résistant et de belle taille qui finit dans l'assiette, rien de plus banal et l'histoire pourrait s'arrêter là. Mais quelques mutations chromatiques apparaissant, certains spécimens prennent des couleurs inattendues, et leur ventre se colore de rouge puis de blanc, quelques unes deviennent bicolores. Des éleveurs vont alors se spécialiser pour développer ces qualités esthétiques, et au début du XIXe, de nouvelles variétés sont créées, avec des nuances de couleur allant du jaune à l'orange. Le beau poisson devient un ornement recherché et admiré dans les demeures des familles nobles ou les étangs des jardins du Palais Impérial. Les éleveurs de carpes vont avec passion choyer leurs animaux pour les rendre les plus beaux et précieux possibles. Jusqu'à aujourd'hui on trouve, dans le village de Yamakoshi (Province de Niigata) en particulier, des spécialistes du poisson magnifique devenu un joyau pouvant atteindre des prix impressionnants (on parle de 200 000 dollars pour certains spécimens !), tout comme sa taille et son poids qui peut s'approcher des 15 kg !
Adulée, elle se retrouve dés l'ère Edo dans les peintures, les estampes, les motifs textiles des kimonos, les décors de céramiques ou de laques et jusque sur les tatouages qui la prennent comme modèle.
Kasamatsu, deux carpes. (Tirage d'art)
Mais bien-sûr l'histoire, comme souvent au Japon, s'accompagne de légendes et de symboliques. La carpe, poisson rapide, résistant, capable de remonter le courant des rivières va représenter la force et la bravoure et très vite être associée à des qualités masculines. Devenue un des symboles de la fête des garçons du 5 mai (article en préparation!) on la retrouve sous forme de manche à air flottant au vent et paradant de toutes ses couleurs (les koïnibori ).
C'est que son histoire est aussi légende ou conte d'un folklore ancien, inspiré de sa patrie d'origine, la Chine... Il était une fois, donc, un banc de carpes qui remontaient le fleuve Jaune, scintillantes de leurs reflets colorés. Mais le parcours n'est pas un long fleuve tranquille et les belles doivent affronter, en plus du courant, de nombreux obstacles et prédateurs prêts à les arrêter. Les plus braves d'entre elles vont atteindre la cascade de la Porte du dragon, si puissante qu'il est dit qu’elle frappe comme les flèches de cent guerriers. Face à ces chutes d'eaux infranchissables, la plupart abandonnent, pour recommencer l'année suivante. Certaines tentent l'impossible, sautant jusqu'en haut des chutes ou nageant à pleines nageoires, pour battre la force de l'eau. Mais rien n'y fait, et entendant le grabuge fait par les pauvres poissons courageux et désespérés, des Onis (esprit des forêts) viennent même se moquer d'elles et agrandissent encore la cascade ... Après plus de cent ans d'essais, et de tentatives, UNE carpe atteint enfin le sommet. Devant cet exploit et reconnaissant la ténacité, la persévérance et la bravoure du beau poisson coloré, les Dieux décident de la transformer en dragon aux écailles d'or, symbole de puissance et de force, qui s'envole dans les cieux. Voilà que depuis ce jour, toute carpe koï qui réussit à remonter la cascade se transforme en majestueux dragon !
Enfin , vous l'aurez compris, les carpes au Japon, on les regarde et on s'extasie devant les nuances de couleurs de leurs écailles, on juge leur taille, leurs différences, on les admire et surtout on reste silencieux, elles sont sacrées !!
Kakejiku, carpe et iris
