On sait qu'au Japon il fait chaud l'été, très chaud même dans certaines régions, se munir d'un moyen pour se rafraichir n'est donc pas un luxe. Depuis fort longtemps l'éventail a une place de roi ! Et savez-vous que uchiwa, le nom de notre boutique, désigne les éventails rigides fabriqués en bambou ?
Il y a en effet deux types d'éventails que l'on va utiliser au Japon : le sensu ou l'éventail qui se déplie tel qu'on le connaît aussi en Europe et l'uchiwa, l'éventail plat et rigide. Aux mains des artisans talentueux et créatifs du Japon, les deux variantes sont aussi des objets décoratifs, supports d'images et de détails raffinés qui vont agrémenter les tenues sophistiquées des femmes ou des hommes.
Le sensu
Cet éventail pliable, qui oblige un geste élégant pour le dérouler en entier est arrivé au Japon via la Chine dès le IXe siècle. On l'appelle aussi ogi. Il apparaît à la cour, d'abord utilisé par les hommes puis par les femmes, il prend alors de plus en plus de couleurs et s'agrémente d'images délicates ou chatoyantes.
Il devient également, symbole d'une tradition purement japonaise, l'objet d'accompagnement indispensable de la cérémonie du thé, des danses des geishas et du théâtre kabuki ou kyogen. Il est alors de plus grande taille, se teinte d'or ou d'argent et prend des nuances nacrées. Sans oublier son rôle aux mains des conteurs de rakugo (l'art du conte au Japon) pour qui il est l'unique accessoire de scène, il se transforme alors en bol à saké, en ciseaux, en baguettes ou en sabre au gré du jeu du narrateur.
Décoré de motifs peints ou imprimés, représentant souvent des fleurs ou des feuilles d'automne en référence aux saisons, des animaux symboliques comme la grue ou le tigre, une rivière qui coule, ou simplement couvert d'une feuille d'or et d'argent, il est plus ou moins sophistiqué. Toujours fabriqué avec précision, en bambou, bois léger et papier, qu'il vienne de Kyoto, le kyo-sensu, ou de Nagoya, le nagoya-sensu, il peut devenir une véritable œuvre d'art.
Enfin, utilisé par les samouraïs avec une armature en métal, il transmettait, déplié, des messages à distance et plié devenait arme de guerre.
L’uchiwa
L’autre éventail, moins connu en Europe et plus spécifiquement japonais, c’est l’uchiwa. Fait de bambou et de papier washi, celui-ci est rigide mais très efficace pour créer du vent, de forme arrondie, il fit fureur à l’époque Edo, support d’estampes ukiyo-e. Utilisé tout autant dans les cuisines pour activer les braises du feu ou refroidir le riz que pour sortir et s’harmoniser avec un kimono. On le retrouve dans le Japon contemporain, support de publicité ou devenant objet décoratif.
Cet éventail plat est arrivé au Japon depuis la Chine dès le 1er siècle de notre ère, il n’est donc pas tout jeune ! Les aristocrates de haut rang, hommes comme femmes l’utilisaient pour se ventiler bien-sûr mais aussi pour se cacher le visage, ou chasser mauvais esprits et insectes importuns. C’est donc à l’époque Edo qu’il se popularise et s’orne d’estampes, c’est pourquoi on trouve encore aujourd’hui de nombreuses œuvres qui reprennent le format arrondi de l’uchiwa. Ceux devant servir à la cuisine étaient enduits de tanin de kaki, les uchiwa shibu, afin de leur donner une plus grande résistance.
Aujourd’hui, quand il n’est pas utilisé pour sa fonction de ventilateur, il reste un objet décoratif, mémoire du Japon traditionnel et les artisans savent toujours lui donner un nouvel attrait comme ces uchiwa au papier découpé, jouant avec les ombres sur lesquels on découvre des fleurs ou des libellules délicates.
Sa fabrication demande une grande dextérité et l’on reconnait à nouveau dans cet objet usuel, le savoir faire des artisans japonais. Comment est-il fabriqué ? Prenez un morceau de bambou dont vous conservez une extrémité pour servir de manche puis séparez les fibres de la partie restante en les effilant en une quarantaine de fines tiges (parfois plus) qui formeront le cadre, donnez-lui une élégante forme arrondie, appliquez une feuille de papier washi, déjà imprimée ou peinte, de chaque côté. Vous voilà avec un uchiwa !
Évidemment dans les rues de Tokyo, on croise maintenant de nombreux petits ventilateurs de poche en plastique, mais ils n’auront jamais le charme des éventails traditionnels !