Le charme des chevaux de bois japonais

Le charme des chevaux de bois japonais

Avez-vous déjà croisé, au hasard d’une balade dans le nord du Japon, lors d’un festival ou peut-être même sur une brocante, un drôle de petit cheval en bois, haut en couleur et à la forme anguleuse ? Il pourrait vous évoquer les fameux chevaux suédois de Dalécarlie tout aussi colorés. Mais il est bien japonais ! A Uchiwa Gallery nous sommes tombées sous leurs charmes, parfois mystiques, toujours très décoratifs. Alors on a enquêté pour en savoir un peu plus sur ces mystérieux petits chevaux.

Tout d’abord le Japon a toujours eu une culture équestre forte, avec des régions où l'élevage de chevaux a été important. C'est dans ces régions que sont nés ces petits chevaux en bois, tradition qui se perpétue jusqu'à aujourd'hui. Les plus emblématiques sont les Miharu Goma (région de Fukushima), les Yawata Uma (région d'Aomori) et les Kinoshita Goma (région de Sendai) sans oublier les Chagu-Chagu Umako (région d'Iwate). Mis à part ce dernier, leurs formes sont très proches voire identiques. Sculpté au couteau dans la masse leur design est très cubiste. Leurs décorations peintes de motifs spécifiques à chacun nous permettent de les distinguer.

 

 

Mais quelles sont leurs origines ?

Tous sont empreints d'histoire et de traditions populaires.

Les Chevaux Miharu Goma (Goma veut dire cheval en japonais ancien) sont des objets traditionnels japonais dont l’origine remonte au moins à 1500 ans. Cet artisanat se concentre sur la région Nord du Japon, notamment à Fukushima, historiquement connue pour ses élevages de chevaux et plus particulièrement la ville de Miharu. Ces figurines en forme de chevaux ont une forte empreinte bouddhiste et trouveraient leur source dans une légende guerrière de l'époque Heian. Le shogun Sakanoue no Tamuramaro partant en guerre se vit offrir par un moine du Kiyomizu-dera un petit cheval sculpté dans des chutes de bois d'une sculpture du Bouddha. Cette figurine porta chance au général puisque malgré sa position très délicate, il finit par gagner sa campagne grâce à l'arrivée miraculeuse de 100 chevaux sauvages qui piétinèrent ses ennemis. Depuis on dit que ces petits chevaux sculptés peuvent transmettre des messages aux dieux pour leur propriétaire.  Les chevaux noirs sont traditionnellement offerts aux femmes enceintes et aux enfants comme talisman pour assurer une naissance sûre et facile, et apporter force et bonne santé aux enfants. Les chevaux blancs seraient plutôt associés à la longévité et propice à une bonne retraite. Ces chevaux s’offrent aussi pour une nouvelle construction, une nouvelle maison, ou pour une inauguration. Un cheval en bois Miharu décore le poteau d'arrivée de l'hippodrome de Fukushima.

 Comment reconnaitre un Miharu Goma?

De couleurs noire ou blanche, ces chevaux ont leurs décorations peintes en rouge, blanc et jaune, avec une selle d’un bleu outremer très vif. Sur leurs poitrails une magnifique fleur rouge peinte sur fond or les identifie assurément.

 

Le cheval Yawata Uma (cheval en japonais) de la région d’Aomori est une figurine très populaire au Japon dont l'artisanat remonte à plus de 700 ans. Son histoire est liée au sanctuaire shinto Kishihiki Hashiman-gu, aussi nommé Yawata. S'y déroule la cérémonie Yabusame, un rituel d'épreuves de tir à l'arc à cheval. L’histoire raconte qu’un menuisier voulut faire des chevaux de bois en l’honneur de cette cérémonie. Il réalisa les premiers Yawata-Uma avec seulement une hache et un burin. Plus tard, les fermiers reprirent cette activité pendant les longs mois d’hiver. Les motifs peints sur les chevaux reflètent les décors dont les vrais chevaux étaient parés pour les mariages ruraux. En effet dans cette région il était coutume que la mariée soit portée par un cheval jusqu’à la maison de son époux. Il était pour l’occasion paré de ses plus beaux atours. Le corps de ces mini chevaux, de forme plus douce avec un poitrail en courbe, est traditionnellement peint en noir ou en rouge. Le rouge, couleur surtout utilisée pour le mariage et la famille, est aussi associée à la protection contre les maladies (variole, rougeole, varicelle). Vendus tous les 15 août du calendrier lunaire, lors de la fête du sanctuaire de Yawata, ces chevaux sont devenus un cadeau traditionnel de porte-bonheur.

Comment reconnaitre un Yawata Uma ?

Cheval de mariage, il a une forme plus douce avec un poitrail en courbe, et une décoration richement colorée. Son corps peut être noir ou rouge, peint de multiples pointillés blancs, parfois aussi rouge ou bleu. Selon sa taille peuvent s’ajouter fleurs, vagues et oiseaux, ainsi que des dorures ou des frises de papier peint. Une ou deux lignes sinueuses ou en virgule, de couleur blanche ou dorée, occupe chaque côté de ses flancs. Les quartiers de sa selle comportent toujours une fleur stylisée. Sa crinière noire en chanvre teinté se dresse droite sur sa tête en un, deux ou trois points selon sa taille. Sa queue noire est longue et pointée vers le ciel. Une belle allure 

 

Le cheval en bois Kinoshita goma est un artisanat traditionnel transmis à Kinoshita, dans la ville de Sendai, préfecture de Miyagi.

L'origine du cheval en bois Kinoshita-goma remonte à l'époque Heian (794-1192). La région de Tohoku a toujours été une région d'élevage de chevaux, indispensables aux affaires militaires et à l'agriculture. On dit que les gouverneurs de province de cette région offraient toujours des chevaux à la cour impériale chaque fois que Komahiki (présentation de chevaux) avait lieu au palais impérial. Lorsqu'un cheval était choisi, une petite sculpture en bois en forme de cheval était placée sur son harnais autour du cou. La tradition était née ! Peu à peu, ils sont devenus un objet souvenir populaire pour les visiteurs des temples et des sanctuaires et les agriculteurs ont commencé à les fabriquer pendant la basse saison agricole. Ces chevaux de bois étaient vendus lors des festivals du temple Mutsu Kokubunji ou du sanctuaire Hakusan comme talisman pour protéger les chevaux et chasser leurs maux. Leurs attraits décoratifs et protecteurs ont attiré l'attention des voyageurs et ils sont devenus célèbres dans tout le pays.

Comment le reconnaitre un Kinoshita Goma ?

De couleur noire ce cheval porte un motif caractéristique sur son poitrail, composé d’une série de traits verticaux blancs sur fond rouge. S’ajoute un motif spiralé blanc sur chaque flanc. Sa selle bleue et jaune comporte souvent un motif végétal ou floral sur ses quartiers. Comme les autres chevaux sa taille peut être mini mini ne dépassant pas le centimètre à un format plus imposant de plusieurs dizaines de centimètres.

 

 

Le cheval en bois Chagu-Chagu est figurine traditionnelle japonaise inspirée du célèbre festival Chagu Chagu Umako. Son histoire remonte à l'époque où les chevaux jouaient un rôle vital dans les travaux agricoles. La préfecture d'Iwate est depuis longtemps connue pour son élevage de chevaux. À la fin du XVIe siècle, avec l'introduction des techniques d'élevage à cheval, l’architecture des maisons évolue pour accueillir en son sein les chevaux de la famille. De ce nouveau type de maison, appelé Nanbu Magariya, où les gens et leurs chevaux vivaient sous le même toit, est né le sentiment commun de vouloir traiter ses chevaux comme des membres de la famille.

Dans cet esprit d'amour pour les chevaux, le jour de Tango no Sekku (5 mai), lié aux chevaux dans le calendrier lunaire, est devenu un temps de repos pendant la saison agricole chargée. Les gens se rendaient dans les sanctuaires censés abriter la divinité gardienne des chevaux, tels que le sanctuaire Sozen et le sanctuaire Komagata, pour souhaiter une bonne santé et le bien-être de leurs chevaux de travail. Cette pratique Osozen Mairi est devenu populaire et l’on y conduisait les chevaux parés de costumes ornementés, connus sous le nom de Konida Shozoku.  Prémisses du Chagu Chagu Umakko, célèbre défilé annuel, un évènement va l’ancrer dans l’histoire.

En 1930, la visite du prince Chichibu, connu pour son amour des chevaux, au sanctuaire Onikoshi Sozen de Takizawa, occasionne une procession pour présenter des chevaux sur le terrain équestre du sanctuaire Hachimangu de Morioka, ce qui fut très bien accueilli. Dès l’année suivante, il devint une tradition de marcher, après la prière, d’un sanctuaire à l’autre.

Aujourdhui environ 60 chevaux défilent du sanctuaire Onikoshi Sozen au sanctuaire Morioka Hachimangu, sur une distance de 14 kilomètres en environ 5 heures. Ce type de festival étant une rareté dans le monde, il a été classé en 1978 comme bien culturel populaire immatériel par l'Agence des affaires culturelles.

Le nom Chagu Chagu vient du son des quelques 700 clochettes de différentes tailles attachées aux costumes des chevaux, qui à chaque pas sonnent « chagu chagu », une sorte d'onomatopée en japonais. En 1996, ce son a été sélectionné comme l'un des 100 paysages sonores du Japon par l'Agence environnementale (aujourd'hui ministère de l'Environnement).

Comment reconnaitre un Chagu-Chagu?

Ce cheval peut être de forme cubique d’un seul morceau de bois comme ses compagnons, ou de forme plus fine fait de plusieurs morceaux de bois assemblés. Peint ou laissé en bois naturel Il est richement décoré de franges dorées en fil torsadé, et de rubans multicolores de teintes vives. Parfois des frises de tissus colorés voir même des coussins sur sa selle complètent sa parure. S’y ajoutent de véritables clochettes métalliques, qui rehaussent son allure festive.

Vous l’aurez compris tous ces chevaux de bois miniatures, travail artisanal réalisé avec soin et délicatesse, reflètent l’amour des japonais pour leurs chevaux. Véritables porte-bonheurs, ils s’offrent à diverses occasions, naissance, mariage, retraite, nouvelle maison, inauguration… Les occasions ne manquent pas !

Et vous, quel cheval porte-bonheur choisiriez-vous ?

 

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