Le Mont Fuji est magique , pour quiconque le rencontre - Une expérience unique quand on le découvre pour la première fois dans toute sa magnificence , et il est vrai qu'un sentiment particulier vous emporte quand il est face à vous, dessin parfait d'une montagne tel qu'un enfant la dessinerait, ses pentes douces jusqu'au sommet encore enneigé, majestueux s'élevant vers le ciel, unique dans le paysage, sans autres montagnes pour lui ravir la vedette ! On l'a vu tant de fois représenté, et pourtant ce jour là, sous un grand soleil de printemps, il apparaît et on comprend, un peu mieux, pourquoi il est devenu le symbole éternel du Japon, convoquant légendes, croyances religieuses et admiration.
On a eu la chance de vivre cette expérience au printemps dernier. Bien-sûr, on l'avait vu déjà depuis le train de Tokyo à Kyoto, où il se découvre de loin, silhouette parfaite, que l'on cherche à ne pas manquer durant le trajet ! mais il est souvent entouré de brume, et aller voir le Fuji de plus près restait un incontournable à vivre.
Vénéré depuis toujours, autant pour le danger qu’il représente que pour sa beauté, l'ascension du Fuji -san (Monsieur Fuji), est une expérience unique pour tout Japonais. Mais ce n'est pas une "petite" randonnée : il est le pic le plus élevé du pays, avec ses 3776 mètres d'altitude et cela demande une petite préparation. Toujours aujourd’hui, chaque été, des milliers de promeneurs, entreprennent la montée jusqu’à son sommet, marquant des pauses dans les stations prévues sur le parcours, pour y contempler le spectacle inoubliable du soleil levant sur l’océan Pacifique. Le développement du tourisme, en plein essor en ce moment, a d'ailleurs poussé les autorités japonaises à réglementer cette ascension si populaire, afin de préserver le site. Si l'aventure vous tente, prenez garde de bien vous renseigner, car certains chemins sont plus difficiles que d'autres, des quotas ont été mis en place ainsi que des frais de péage. (voir le site de kanpai, toujours une mine d'informations pratiques).
N'oublions pas que les divinités Shintô, Fuji-hime et Sakuya-hime, habitent son sommet. Ou que pour les bouddhistes, il est le séjour du Bouddha du Grand Soleil, source et point d'aboutissement de toutes choses. Une randonnée sur ses pentes n'est donc pas une simple promenade, elle est aussi un rituel pour les Japonais. Rappelons nous d'ailleurs que ce caractère sacré empêcha les femmes, jusqu’en 1872, de l’escalader.
Mais on peut aussi admirer le volcan sacré depuis bien des lieux et le contempler de loin. Ce fut Hakone, une jolie petite ville près du lac d'Ashi que nous avions choisie. De là, vous pouvez prendre le téléphérique qui vous permet de gravir le mont Komagatake d'où la vue sur le Fuji est saisissante. Durant la montée, tandis que le lac en contre-bas devient plus petit, le mont majestueux vous apparaît, de plus en plus grand jusqu'à se dévoiler entièrement. C'est alors qu'on se sent dans un émerveillement enfantin, bercé par une douceur magique, face à l'image d'un paysage parfait comme tracé spécialement pour nous, on reste en silence, dans la contemplation de la beauté de la nature et de son mystère.
Dans cette région cinq autres lacs vous permettent de vous approcher du Fuji-san. A chacun des lieux, une vue différente : vous pouvez ainsi le découvrir depuis
- Kawaguchi-ko, sans doute le lac le plus populaire
- Sai-ko ;
- Yamanaka-ko, le plus grand ;
- Shoji-ko, le plus petit ;
- et Motosu-ko, le plus sauvage.
C'est depuis le lac Kawaguchi qu'en hiver, par temps calme et froid, le Mont Fuji peut se refléter parfaitement dans ses eaux , créant l’illusion d’un Fuji « inversé ». Ce spectacle est si rare qu'il était autrefois considéré comme un présage de prospérité et de renouveau. De bien nombreuses estampes japonaises vont illustrer ce phénomène rare, de Hokusai à Hasui Kawase, et nous donner quelques unes des plus belles représentations du volcan.
D'autres présages accompagnent le Mont Fuji, en hiver, comme celui associé au mont enneigé, symbole de bon augure pour le Nouvel An. Il est souvent représenté sur les nengajô (cartes de vœux traditionnelles), car voir le Fuji sous la neige apporte chance pour l’année à venir ! 🎍✨
Et sur cette montagne où règne bien des mystères, vous pourriez aussi sentir le souffle du dragon sous la neige 🐉❄️
En effet, d'anciennes légendes nous racontent que le Fuji est le repaire d’un dragon sacré. En hiver, lorsque des tourbillons de neige s’élèvent de son sommet, c'est le souffle du dragon qui s'exprime, signe que la montagne est vivante et qu’elle veille sur le Japon.
En tous cas, pour le voir dans toute sa majesté et profiter pleinement de sa présence, pensez à regarder les sites qui, dans l'archipel sont dédié à la météo du Mont Fuji. Au Japon, rien n'est laissé au hasard, ainsi vous aurez les fenêtres météo les meilleures , dans le mois ou dans la semaine qui vous permettront de planifier votre visite, bien utile si on veut voir le Fuji-san avec un ciel dégagé !
On peut aussi rêver et sentir la magie de cette montagne, en admirant les si nombreuses estampes qui l'ont prise comme modèle : Evidemment, on songe en premier lieu aux trente-six vues du Mont Fuji de Hokusai, LA série la plus célèbre au monde avec l'incontournable grande vague de Kanagawa. Le parti pris de l'artiste fut de créer une suite de paysages dans lesquels le Fuji serait présent, de près comme de loin, symbole protecteur, ou élément éternel qui existe toujours quelque part .
D'autres artistes ont réalisé des séries sur cette montagne éternelle, comme Hiroshige ,jusqu'à des artistes plus contemporains comme Hasui Kawase. La beauté du Fuji-san a été chantée de tout temps par les poètes et après les estampes, il fait aujourd’hui le bonheur des photographes. Vous pouvez trouver à la boutique le livre du photographe Eric Bénard qui a consacré un travail au Fuji d'aujourd'hui, dans son environnement moderne ainsi qu'à sa représentation, plus prosaïque mais si présente dans les images urbaines, d'un décor d'un sento à la publicité d'un poissonnier... Le Fuji-san reste l'éternel veilleur du peuple du Japon ...
Vous l'aurez compris, le Mont Fuji , devenu depuis 2013 patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, n’est pas un simple paysage : c’est une présence, une légende vivante, et une inspiration infinie. On ne pourra jamais mieux le décrire que dans ce poème des années 720-730, qui serait le premier poème japonais sur le mont Fuji :
Depuis que le ciel et la terre
se sont séparés
en Suruga
le haut pic du Fuji
se dresse sublime
comme un dieu
quand je le regarde de loin
dans la plaine du ciel
du soleil qui traverse l'espace
il cache les rayons
de la lune qui brille
on ne voit plus la clarté
les blancs nuages
hésitent à passer
la neige y tombe
sans souci de la saison
toujours on parlera de lui
ce haut pic du Fuji
Man.yôshû III, 317 (traduction : G. Renondeau)
